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Royal Boch : Monsieur le baron torpille sa propre usine

Le personnel de Royal Boch occupe l’usine pour assurer sa survie. Les créanciers veulent la faillite. Le premier d’entre eux est… le patron de la faïencerie, Frédéric de Mevius.

Avant même les usines sidérurgiques Boël, c’est la faïencerie Boch qui, à partir du milieu du 19e siècle, fait du petit hameau de La Louvière une ville qui est aujourd’hui la cinquième de Wallonie. La faïencerie va acquérir une réputation internationale. Et l’usine compter jusque 1600 travailleurs.

Typique de la nouvelle classe possédante de l’époque, les patrons des deux entreprises, Gustave Boël et Victor Boch, se font construire chacun un château jouxtant leur usine. Celui du second, le château de la Closière, édifié en 1857 par Poelaert (le «schieve» architecte du palais de justice de Bruxelles), abrite aujourd’hui les services du Forem. C’est là que les ouvriers et ouvrières de Royal Boch ne veulent pas se retrouver aujourd’hui.

Mais pour cela, il leur faut affronter le baron Frédéric de Mevius, qui possède lui aussi un château (à Rhisnes), mais surtout 85% des parts de la faïencerie qu’il a reprise en 1994 avec l’aide financière de la Région wallonne.

C’est une entreprise ostendaise qui a demandé la faillite de Royal Boch, pour 2 millions d’euros de factures impayées. Mais l’usine pourrait sans sortir si son principal créancier ne réclamait pas, lui aussi, les 12 millions d’euros qui lui sont dus (soit ¾ des dettes de la faïencerie). Or, ce créancier n’est autre que monsieur le baron.

«M. de Mevius torpille son usine», dénonce Manu Morais, secrétaire régional du Setca. En effet, il suffirait à de Mevius de transformer sa créance en capital pour la sauver. Ou, déjà, de ne pas se joindre à la meute des créanciers. Mais le châtelain de Rhisnes ne croit plus en l’avenir de Royal Boch. Et l’état lamentable des locaux laisse à penser que ce n’est pas nouveau. Tout ce qui compte pour lui, c’est récupérer ses billes. Pourtant, selon Trends-Tendances, les familles de Spoelberch, de Mevius et Van Damme, actionnaires d’Inbev, concentrent la plus grosse fortune de Belgique: 10,5 milliards d’euros en 2008.

Tant pis pour cette faïencerie historique? Tant pis, surtout, pour ses 47 travailleurs? Certains y travaillent – dans des conditions pénibles – depuis un demi-siècle. «L’usine, c’est toute ma vie», explique une ouvrière. Et que dire de ce couple, dont l’idylle est né à la faïencerie, et qui risque de perdre d’un coup les deux revenus du ménage.

L’entreprise devait déposer le bilan ce 20 février. L’avocate de la FGTB, Marianne Pétré, a obtenu du tribunal une semaine de sursis (malgré l’opposition de… la direction de la société). Et le personnel occupe l’usine.

Il croit en son avenir industriel. Mais cela implique d’y investir (notamment pour acquérir des fours performants) et de se concentrer sur la production de pièces de qualité. Alors qu’aujourd’hui, une partie de la vaisselle est importée du Portugal ou de Thaïlande, l’usine louviéroise ne faisant qu’y apposer le cachet «Royal Boch».

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 26 février 2009

23.02.2009. 22:35

 

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