Fiscard et membre du PTB, Marco Van Hees
tire à boulets rouges sur le ministre Reynders, dans un livre qui se
taille un joli succès au sein de... l'administration des Finances.
C'est un peu surprenant, mais pas inconcevable : on
peut être fonctionnaire au ministère des Finances et membre
d'une formation de la gauche radicale tel le Parti du travail de
Belgique ( voir également page 27). Portant les deux casquettes,
Marco Van Hees, louviérois, 43 ans, licencié en
sciences politiques (ULB), a écrit un bouquin, Didier Reynders.
L'homme qui parle à l'oreille des riches (1), dans lequel il décortique
la politique fiscale du grand argentier Didier Reynders (MR). Intéressant,
même si sa démarche a des relents trotskistes.
Edité au printemps 2007 juste avant les élections législatives,
ce livre est d'abord resté confidentiel. Les médias l'ont pratiquement
ignoré. Mais, depuis le début de l'année, l'ouvrage de Van
Hees fait l'objet de nombreux commentaires, plutôt élogieux,
et de conseils de lecture sur Internet, via des échanges de mails, des
forums et des blogs. Les ventes n'ont pas manqué de décoller et un
deuxième tirage s'est avéré nécessaire. De plus en plus palpitant...
« J'ai reçu énormément de mails de la part de
fonctionnaires des Finances à propos de mon livre. Même un directeur
m'a dit l'avoir apprécié », confie Marco Van Hees,
qui travaille au service « Impôt des sociétés », à Mons. Un petit
sondage parmi nos informateurs fiscards nous confirme le succès du
bouquin au sein même de l'administration du ministre Reynders. Carrément
piquant !
Reynders n'a pas diminué la pression fiscale
Partisan, dénué de révélations fracassantes, le
livre de Van Hees n'en est pas moins solidement
argumenté et didactique sur plusieurs sujets fiscaux, notamment sur les
fameux intérêts notionnels qui font débat aujourd'hui. Cette mesure
adoptée en 2005 et destinée à diminuer l'impôt des sociétés -
surtout celui des grosses entreprises florissantes disposant
d'importants fonds propres - constitue la réponse du ministre Reynders
à l'Union européenne qui, en 2001, a obligé la Belgique à supprimer
les centres de coordination, en raison de leur caractère
discriminatoire. Marco Van Hees démonte les
principales décisions de Reynders, depuis la déclaration libératoire
unique (DLU) jusqu'à la vente de 62 bâtiments de l'Etat, et il prouve,
chiffres à l'appui, que la pression fiscale n'a pas diminué depuis que
le ministre libéral gère les Finances, les recettes fiscales
atteignant 30,4 % du PIB en 1999 et 30,9 % en 2005.
Mais, surtout, le « petit » fonctionnaire des
Finances explique comment le ministre s'est échiné, avec sa réforme
fiscale de 2001, à réduire la progressivité de l'impôt, en
supprimant les taux d'imposition les plus élevés pour les plus hauts
revenus. Il calcule même les avantages de la réforme pour Didier
Reynders lui-même : « Sachant que son salaire de ministre est supérieur
à 200 000 euros brut par an, sa réforme fiscale lui rapporte chaque
année plus de 5 800 euros. » Van Hees compare aussi
la fortune des plus riches avec celle des moins riches et constate que,
pour arriver au montant correspondant aux 100 plus grandes fortunes de
Belgique (51,5 milliards d'euros), il faut additionner le patrimoine des
2,28 millions de citoyens les moins nantis.
Relations étroites avec le monde économique
De manière moins judicieuse, l'auteur ouvre la
garde-robe du libéral liégeois en évoquant sa collection de cravates
Pal Zileri et son obsession à entretenir d'étroites relations avec le
gratin du monde économique belge, dont la famille d'Albert Frère. Cela
dit, son bouquin est instructif pour le contribuable lambda. « Elio Di
Rupo lui-même m'a dit qu'il trouvait mon livre édifiant », confie Van
Hees, tout en s'en étonnant : le président du PS a-t-il dû
lire l'ouvrage d'un petit fonctionnaire des Finances pour découvrir la
politique menée par Reynders depuis 1999 ?
(1) Didier Reynders. L'homme qui parle à
l'oreille des riches, par Marco Van Hees, éditions
Aden, www.aden.be
Thierry Denoël
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