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Les fabuleuses pressions d’Amélie Nothomb

Alors qu’Amélie Nothomb sort Le fait du prince, levons le voile sur… le fait de la princesse, face à ceux qui osent critiquer la romancière vedette. L’écrivain Alain Dantinne en fit l’expérience.

L’expression «le fait du prince» désigne un acte arbitraire imposé d’autorité. C’est aussi le titre du dernier opus (non, non: seulement le dernier en date…) que vient de sortir Amélie Nothomb, star belge du roman. Justement, cette descendante de la «principale famille catholique de Belgique1», comme elle définit elle-même les Nothomb, n’est pas tendre pour ceux qui osent se montrer critiques ou moqueurs.

En 2004, le poète et nouvelliste Alain Dantinne a le malheur d’écrire Hygiène de l’intestin, un pastiche de 120 pages puisant dans les différents romans d’Amélie Nothomb. Pourquoi cet exercice? Parce qu’étant également enseignant, il en vient à se pencher sur cette «littérature industrielle» qu’il juge aussi médiocre qu’idolâtrée par les médias et qu’absorbent certains de ses étudiants sans trop d’esprit critique.

Mais avant même que les éditions Labor publient l’ouvrage, la pastichée a vent du projet. «Amélie Nothomb et son éditeur Albin Michel m’ont téléphoné jusqu’à trois fois sur la même journée», nous raconte Dantinne. Ils font surtout chauffer le téléphone de Labor, sérieusement mis sous pression et menacé d’un procès. La directrice panique, mais la responsable du projet tient bon: «Je publie le livre si j’ai le feu vert de l’avocat.»

Finalement, le livre sort, amputé d’une série de citations que le pasticheur avait puisées dans les romans de la pastichée pour les glisser de façon ludique en différents endroits de son récit.

Fabienne menace de procès qui révèle le vrai prénom d’Amélie

Puis vient la censure médiatique. Pas absolue, mais diablement efficace. Ainsi, La Libre Belgique demande à l’auteur de lui fournir une photo pour l’édition du samedi. Mais l’article ne paraîtra jamais. Pas plus que dans Le Soir. Le Vif-L’Express descend le livre en neuf lignes dans une brève non signée et manifestement rédigée en s’économisant la lecture de l’objet critiqué. Sur la RTBF, alors que Nicole Debarrre interroge Dantinne, son collègue Pascal Goffaux l’interrompt pour souligner qu’ «Amélie est notre grand auteur national».

Les retombées ne s’arrêtent pas là. «Avant, j’avais obtenu des bourses pour plusieurs de mes ouvrages. Depuis, plus rien.» Hygiène de l’intestin ne sera reconnu que dans le circuit alternatif en obtenant en 2005 le «Prix Gros Sel», qui offre au lauréat… 500 grammes de gros sel. Depuis, les éditions Labor ont été reprises par le groupe Luc Pire (RTL) et l’ouvrage n’est plus repris au catalogue2.

Comment expliquer l’efficacité du lobby veillant sur Fabienne… euh, pardon – la romancière menace de procès tout qui révèle son vrai prénom– sur Amélie Nothomb? Par la conjonction de deux éléments: l’influence politique de sa puissante famille (lire ci-contre) et les intérêts économiques en jeu pour les éditions Albin Michel, dont Nothomb est l’auteur vedette. Chaque année, sa livraison romanesque ne se classe-t-elle pas parmi les trois meilleures ventes en France et en Belgique?

Marco Van Hees, publié dans Solidaire le 27 août 2008.

1 Le Magazine des Livres, janvier-février 2008 • 2 Une réédition est toutefois disponible sur www.rezolibre.com, l’organisateur du Prix Gros Sel.


Les Nothomb, influente famille de Belgique depuis 1830

Confident du roi, (premier) ministre, ambassadeur, directeur d’université ou… proche du facho Degrelle, les Nothomb n’ont cessé d’être influents.

En 1830, naît la Belgique. C’est un Nothomb qui est secrétaire de la commission chargée de préparer la Constitution du nouvel Etat: Jean-Baptiste Nothomb (1805-1881), diplômé en droit, fait carrière dans la presse et la politique. Ce partisan de la monarchie constitutionnelle soutient la candidature royale de Léopold de Saxe-Cobourg Gotha, dont il devient le confident. Il sera Premier ministre de 1841 à 1845 et mourra baron et ambassadeur à Berlin.

Son demi-frère et… cousin – sa mère s’était remariée avec le frère de son défunt époux –, Alphonse Nothomb (1817-1898) devient, lui, député, sénateur et ministre de la Justice. Mais c’est encore un autre frère, Jean-Pierre Nothomb (1807-1949), qui engendre une lignée qui va perpétuer l’influence familiale.

Son fils, André Nothomb (1855-1916), est conseiller à la cour d’appel. Le fils de celui-ci, Pierre Nothomb (1887-1966), est avocat d’affaires, écrivain et homme politique. En 1919, il fonde le Comité de politique nationale (CPN), qui regroupe généraux, juristes, politiciens, hommes de lettres et d’affaires. Un mouvement de la droite extrême, qui admire Mussolini autant qu’il hait le communisme du «juif boche» Karl Marx. Il recrute au sein de l’Action nationale et des Jeunesses nationales quelques milliers de jeunes qui vont faire le coup de poing dans les meetings de gauche. Au Parlement, durant la guerre d’Espagne, il fait partie des plus ardents défenseurs de Franco (au moment où son fils Paul, le rebelle de la famille, qui a rejoint les rangs républicains, est blessé par l’artillerie franquiste). Il sera aussi administrateur des éditions Rex et proche du dirigeant fasciste Léon Degrelle, qui lui fait rédiger un livre sur le roi Albert Ier.

Pierre Nothomb aura en tout treize enfants, dont certains hériteront d’un titre de baron que leur père, faisant jouer son influence et son porte-monnaie, récupérera alors qu’il venait de s’éteindre dans la branche aînée

Parmi eux, Simon-Pierre Nothomb (1933), qui tout jeune s’en va combattre le communisme en Corée. Il sera secrétaire général du Comité Économique et Social européen et directeur général honoraire à l’Université de Louvain-la-Neuve. Il est également membre du Cercle de Lorraine, où se réunit la crème du patronat.
Son frère Charles-Ferdinand (1936) va accumuler les mandats politiques: député, sénateur, président du PSC (l’actuel cdH), ministre, vice-premier ministre, président de la Chambre, ministre d’Etat.

Leur neveu, le baron Patrick Nothomb (1936), fait carrière dans la diplomatie belge de 1960 à 2001, notamment comme ambassadeur au Bangladesh, en Birmanie, en Thaïlande, au Laos et au Japon. Son troisième et dernier enfant s’appelle Fabienne. Mais c’est sous le prénom d’Amélie qu’elle publie ses romans chez Albin Michel, qui avait déjà été l’éditeur de son arrière-grand-père admirateur de Franco et Mussolini.

Marco Van Hees, publié dans Solidaire le 27 août 2008.

Post-scriptum

Le journaliste Pascal Goffaux nous a fait parvenir le message suivant à propos de cet article.

«Je suis cité dans le texte et apparaît comme un défenseur de « notre auteure nationale ». La retranscription d’une séquence radio fait abstraction du ton de l’animateur qui désire susciter par son intervention une réaction de la part de l’interviewé. Mon ton était certainement ironique, car je déteste la machine d’Amélie Nothomb et cela depuis sa première parution.»

28.08.2008. 21:32

 

Commentaires

messina natale 17.09.2008. 21:37

toujours interessant savoir "l'autre son de cloche"

c'est incroyable, comme les cloches on toujours un "son" qu'on ne supsonne jamais;

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