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4,25 milliards € pour les actionnaires privés de Belgacom

A Ostende, Vande Lanotte et Di Rupo crient victoire parce qu'ils auraient dégagé 287 millions d'euros pour le social. Au même moment, on peut faire le décompte des cadeaux des socialistes Johan et Elio aux six actionnaires privés de l'ex-entreprise publique Belgacom: 4,25 milliards. Quinze fois plus.

Un fabuleux cadeau d'entrée de Di Rupo en 1996. Un fabuleux cadeau de sortie de Vande Lanotte en 2004. Ca, c'est passé près de chez vous dans les poches de six capitalistes.

En 1996, Elio Di Rupo est vice-Premier Ministre, chargé des entreprises publiques et des communications. C'est vrai qu'en matière de communication, le socialiste montois est un as: il invente le terme de «consolidation stratégique» pour désigner la privatisation de Belgacom.

Di Rupo cède 50% moins une action du capital de Belgacom au consortium ADSB. Prix de vente: 1,82 milliard d'euros (73,3 milliards de FB). Un prix particulièrement modique puisqu'il représente à peine 1,15 fois le chiffre d'affaires annuel de la compagnie, l'ancienne Régie des télégraphes et téléphones (RTT), fondée en 1930 avec des fonds publics. Les contribuables lésés vous remercient, Monsieur le ministre.

ADSB est détenu par trois grands groupes étrangers de télécoms et trois organismes financiers belges. Côté télécoms, il y a l'Américain Ameritech ­ qui possède 35% d'ADSB et mène la danse ­, Tele Denmark (33%) et Singapore Telecom (27%). Côté financiers (5%), les banques Dexia et KBC, ainsi que le holding de la famille Boël (8e fortune belge), Sofina.

Ces six capitalistes ne tardent pas à consolider stratégiquement les fruits de la privatisation puisque, dès 1996, ils encaissent 119 millions d'euros de dividendes. Et ça augmente année après année, si bien que de 1996 à 2003, ils encaisseront au total 1,17 milliard d'euros de dividendes. Les contribuables lésés vous remercient, Monsieur le ministre.

Les actionnaires privés récupèrent leur mise à 334%

Avec le mouvement de fusions des télécoms aux Etats-Unis, Ameritech est repris par SBC, qui ne partage pas la même stratégie d'implantation en Europe. A l'été 2003, SBC manifeste son intention de quitter Belgacom, rapidement suivi par Tele Denmark et Singapore Telecom. Et pour eux, la meilleure façon de sortir consiste à entrer en Bourse.

Interrogé sur cette perspective, l'actuel ministre des Entreprises publiques, Vande Lanotte, affirme alors que ce n'est pas une priorité, qu'il entend s'occuper du problème du fonds de pension de Belgacom. Ce qu'il évite de dire, c'est que régler ce problème est précisément un préalable à... l'entrée en Bourse. Son apparent désintérêt face à la volonté des capitalistes contient donc ce message subliminal: «C'est pour mieux vous servir».

Gains des actionnaires privés de Belgacom

Dividendes perçus par ADSB de 1996 à 2003

1,17 milliard €

Vente d'actions par ADSB à Belgacom

1,25 milliard €

Mise en Bourse des parts d'ADSB

3,59 milliards €

Part de Sofina (ne participe pas à la mise en Bourse)

0,06 milliard €

TOTAL ENCAISSE PAR ADSB

6,07 milliards €

Mise initiale en 1996

- 1,82 milliard €

GAIN TOTAL POUR ADSB

4,25 milliards €

En effet, les futurs actionnaires de Belgacom peuvent être rebutés par une entreprise qui devrait assurer la pension légale de 32.000 personnes (les agents statutaires déjà pensionnés ou qui le seront à l'avenir). L'Etat a donc repris cette charge à son compte, recevant en contre-partie 5 milliards d'euros de Belgacom. Un montant qui fait dire à de nombreux observateurs qu'on «aurait volontairement sous-estimé le coût du fonds de pension».1 Les contribuables lésés vous remercient, monsieur le ministre.

Une fois cette question réglée, il faut peu de temps pour réaliser l'entrée en Bourse, chose faite ce 22 mars. Compte tenu d'un prix d'introduction de 24,5 euros par action, le consortium ADSB va retirer de sa vente 3,59 milliards d'euros. Si on y ajoute 1,17 milliard de dividendes depuis 1996, plus 1,25 milliard d'euros pour les actions rachetées récemment à ADSB par Belgacom pour elle-même (une société peut détenir ses propres actions), plus la part de Sofina ­ 60 millions ­, qui reste actionnaire de Belgacom, on constate que les actionnaires privés ont encaissé en tout 6,07 milliards d'euros. Ce qui fait 334% du 1,82 milliard qu'ils avaient investi en 1996. En déduisant cette mise, on atteint donc un profit 4,25 milliards d'euros (171 milliards de FB). Les contribuables lésés vous remercient, monsieur le ministre.

Six capitalistes encaissent ainsi 15 fois plus que les mesures sociales décidées à Ostende par le gouvernement pour toute la population du pays. En clair, face à un ministre socialiste, mieux vaut être un capitaliste en bonne santé qui licencie à tour de bras qu'un travailleur malade du stress en passe de perdre son emploi.

Car il faut le préciser: la consolidation stratégique des effectifs a été en sens inverse de celle des profits. En deux ans, SBC a liquidé 28.000 emplois dans le monde. Et à Belgacom, l'emploi est passé de 25.600 en 1996 à 18.500 aujourd'hui.

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 30 mars 2004

1 L'Echo, 23/3/04.

01.09.2008. 23:58

 

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