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ABX, ou comment pomper l'Etat

ABX, ancienne filiale de la SNCB, avait été privatisée en août 2006. La SNCB y avait investi... 1,5 milliard d'euros. Le fonds britannique 3i et Fortis l'ont acquis pour 10 millions d'euros. Et revendu en 2008 pour 750 millions d'euros.

Et une privatisation de plus. L'ex-ministre Vande Lanotte (SP.a) l'avait décidée, son ancien chef de cabinet, Jannie Haeck, devenu administrateur délégué de SNCB-Holding, l'a finalisée en 2006. C'est en 1993 que l'ancienne division colis de la SNCB est rebaptisée ABX. Elle sera filialisée et deviendra une grosse entreprise de logistique qui emploie aujourd'hui 10000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros dans une centaine de pays.

Dix millions d'euros pour ça? Le repreneur 3i, qui négociait depuis deux ans avec la SNCB, a déboursé le double rien que pour faire étudier le dossier par une flopée d'experts. Mais le fonds britannique a fait valoir les énormes dettes accumulées par ABX (250 millions d'euros) ainsi que d'importantes provisions pour pensions (90 millions, surtout pour l'Allemagne).

C'est lourd, mais beaucoup moins que ce que l'Etat (via la SNCB) a investi dans ABXdepuis des années: 1,5 milliard. D'autant qu'en cédant ABX, la SNCB a encore accordé des garanties au repreneur pour d'éventuels litiges, obligations fiscales ou environnementales. Pour un montant pouvant atteindre 110 millions.

Tout a été fait pour mettre 3i en position de force dans les négociations. A commencer par la déclaration de Haeck en 2005: «La valeur d'ABX est nulle.» De plus, 3i a obtenu l'exclusivité pour les négociations. Pas question, donc, de faire monter les enchères en mettant plusieurs candidats en concurrence. Et puis, fin 2005, l'Union européenne avait accepté un ultime refinancement public d'ABX à condition que celle-ci soit privatisée dans un délai d'un an maximum. Les négociateurs de la SNCB étaient donc pratiquement obligés d'aboutir à un accord avec 3i. Aux conditions de ce dernier.

Fortis Private Equity aurait également pris 5 à 15% des parts d'ABX. Pas étonnant: le groupe de Maurice Lippens est un habitué des privatisations (CGER, Banque de la Poste, SNCI). C'est pas cher et ça rapporte gros.

En juin 2008, 3i a cédé ABX au groupe danois DSV, qui s'est hissé ainsi au quatrième rang mondial des transporteurs de marchandises. Prix de vente : 750 millions d'euros. C'est 75 fois plus que le prix d'achat en 2006. Et 7,5 fois ce que 3i a investi si l'on compte, en plus des 10 millions d'achat, les 90 millions d'euros qu'elle a mis dans le capital d'ABX. Une plus-value de 7.500% en deux ans, c'est de l'argent facilement gagné. Les contribuables apprécieront moins.

En 2006, la SNCB avait dû vendre ABX sur ordre de la Commission européenne, qui interdit à un Etat de subsidier une entreprise publique. Mais visiblement, l'Etat peut généreusement subsidier le privé...

Marco Van Hees

07.09.2008. 17:10

 

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