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Les paradis fiscaux, source d’enfer social et fiscal

Note pour le Comité fédéral de la FGTB

1. Définition des paradis fiscaux

L’Union européenne ne définit pas les paradis fiscaux. «Sans doute, relève un représentant de la Commission européenne auprès de l’OCDE, parce que certains états membres sont parfois considérés comme tels, notamment le Luxembourg ou la Belgique[1].» L’Union utilise plutôt la notion de «concurrence fiscale dommageable».

L’OCDE ne donne pas une définition stricte des paradis fiscaux, mais avance quatre caractéristiques qui, sans qu’elles doivent être forcément toutes réunies, fixent les contours du paradis fiscal:

1) impôts inexistants ou insignifiants;

2) absence d’un véritable échange d’informations fiscales;

3) absence de transparence;

4) absence d’activité substantielle des sociétés enregistrées.

Depuis 2001, l’OCDE a toutefois abandonné la notion de paradis fiscal, préférant opérer une distinction entre juridictions coopératives et non coopératives. Elle ne prend donc plus en compte qu’un seul critère: le refus d’échange d’informations fiscales. Et encore, seulement les échanges d’informations sur demande d’un autre Etat, pas le refus de procéder à un échange automatique de données.

A l’inverse de cette définition rétrécie, il y aurait lieu d’appréhender largement le phénomène de paradis fiscal. Les quatre anciens critères de l’OCDE avaient le mérite d’être simples et clairs. On pourrait y ajouter cette précision qu’un paradis fiscal n’est pas forcément un territoire offrant à tout un chacun une exemption généralisée de tout type d’impôt. En réalité, beaucoup de paradis fiscaux visent des niches de personnes physiques et/ou sociétés. Souvent, donc, leur public cible est relativement défini, en termes de profil et d’origine nationale.

Ainsi, tous les grands pays ont dans leur voisinage un ou des paradis fiscaux «attitrés»: Monaco pour la France, les îles Anglo-Normandes pour le Royaume-Uni, les Bahamas pour les États-Unis, le Liechtenstein pour l'Allemagne… Cela, souvent, avec la complicité des autorités du pays cibles.

De même, beaucoup de ces paradis ont leurs spécialités:

● le leasing maritime et aérien aux îles Caïman, îles Marshall, Libéria, Panama, Hong Kong, Luxembourg;

● l’activité de banque privée au Luxembourg, en Suisse, aux Bahamas et aux Bermudes;

● la réassurance aux Bermudes;

● l’administration des fonds d’investissement, notamment des hedge funds, aux îles Caïman(les banques qui y sont immatriculées gèrent des dépôts évalués à 500 milliards de dollars, ce qui en fait la cinquième place financière mondiale).

2. Listes des paradis fiscaux

A Selon le Réseau pour la justice fiscale

Le Britannique John Christensen, du Réseau pour la justice fiscale, a répertorié 72 paradis fiscaux dans le monde, dont 25 en Europe. Parmi ces derniers, on trouve la Belgique.


Paradis fiscaux dans le monde[2]

Les Caraïbes et Amériques: Anguilla , Antigua et Barbuda , Antilles Néerlandaises , Aruba , Bahamas , Barbades , Belize , Bermudes , Costa Rica , Ile de la Grenade , Iles Cayman , Iles Turks et Caïcos , Iles Vierges Américaines , Iles Vierges Britanniques , Montserrat , New York , Panama , République Dominicaine, Sainte Lucie , Saint Vincent et iles de la Grenadine , St Kitts et Nevis , Uruguay , Labuan.

Afrique: Afrique du Sud , Ile Maurice , Libéria , Melilla , São , Seychelles , Somalie.

Europe: Alderney , Andorre , Belgique , Campione (Italie) , Chypre (Grèce) , Chypre du Nord (Turquie) , City de Londres, Francfort, Gibraltar, Guernesey, Hongrie, Islande, Irlande (Dublin), Ingouchie, Ile de Man, Jersey, Liechtenstein, Luxembourg, Madère, Malte, Monaco, Pays-Bas, Sark, Suisse, Trieste.

Moyen-Orient et Asie: Bahrain, Dubai, Hong Kong, Liban, Macao, Singapour, Tel Aviv, Taiwan, Tomé e Principe.

Océans Indien et Pacifique: Iles Cook, Iles Marshall, Maldives, Iles Mariannes, Nauru, Niue, Samoa, Tonga, Vanuatu.



B Selon les autorités belges

La Belgique a publié, dans l’arrêté royal du 13 février 2003, une liste de 53 paradis fiscaux dans le but unique d’appliquer l’article 203, § 1er du code des impôts sur les revenus (CIR 92) relatif aux RDT (voir plus loin). Ces pays sont les suivants.


Paradis fiscaux selon l’AR du 13-2-2003

1. Afghanistan, 2. Aldernay, 3. Belize, 4. Bosnie-Herzégovine, 5. Burundi, 6. Cap Vert, 7. République Centrafricaine, 8. Comores, 9. Iles Cook, 10. Cuba, 11. Dominique, 12. Guinée équatoriale , 13. Estonie, 14. Gibraltar, 15. Grenade, 16. Guernesey, 17. Guinée-Bissau, 18. Haïti, 19. Herm, 20. Iran, 21. Irak, 22. Jersey, 23. Kiribati, 24. Corée du Nord, 25. Laos, 26. Liberia, 27. Liechtenstein, 28. Macao, 29. Maldives, 30. Ile de Man, 31. Iles Marshall, 32. Mayotte, 33. Fédération de Micronésie, 34. Monaco, 35. Montserrat, 36. Namibie, 37. Niue, 38. Oman, 39. Panama, 40. Saint Christopher et Nevis, 41. Sainte-Lucie, 42. Saint-Pierre-et-Miquelon, 43. Saint-Vincent-et-les-Grenadines, 44. Samoa, 45. Samoa américaines , 46. Saint-Marin, 47. Sao Tomé et Principe, 48. Seychelles, 49. Somalie, 50. Tuvalu, 51. Ouzbékistan, 52. Iles Vierges britanniques , 53. Iles Vierges américaines.



L’arrêté royal qui publie la liste explique également comment celle-ci a été élaborée: «Dans une première phase, l'administration a examiné, pays par pays, sur base des informations en sa possession, d'une part quel était le taux nominal de droit commun sur les bénéfices des sociétés et d'autre part si la base imposable à l'impôt des sociétés était fixée d'une manière normale.

Dans une seconde phase, une liste provisoire de pays a été publiée sur le portail électronique du Service public fédéral Finances sur base des résultats de l'enquête précitée : à ces pays ont aussi été ajoutés les pays pour lesquels seules des données insuffisantes avaient pu être trouvées. Les personnes intéressées pouvaient émettre des remarques motivées par écrit concernant cette liste provisoire. Tenant compte de ces remarques, la liste de pays a finalement été établie telle que mentionnée à l'article 1er du présent arrêté.

Cette liste concerne en particulier les pays dont soit le taux nominal de droit commun de l'impôt sur les bénéfices d'une société est inférieur à 15 p.c., soit, en droit commun, le taux correspondant à la charge fiscale effective est inférieur à 15 p.c.

Cette liste de pays est donnée exclusivement dans le but d'appliquer la condition de taxation qui se rattache aux dispositions fiscales de droit commun du pays où est établie la société qui distribue des dividendes suivant l'article 203, § 1er, alinéa 1er, 1°, CIR 92.»

C Selon l’OCDE

En 2000, l’OCDE a publié une liste de 35 paradis fiscaux non coopératifs (dans laquelle ne se trouvait pas la Belgique). Suite aux engagements pris par 32 d’entre eux, il n’en restait que 3 sur la liste début 2009: Andorre, Lichtenstein et Monaco.

En avril 2009, sur demande du G20, l’OCDE a établi trois nouvelles listes.

1) Une liste blanche des Etats ou territoires qui ont mis en œuvre des standards internationaux en signant au moins 12 accords conformes à ces standards: Argentine, Australie, Barbades, Canada, Chine, Chypre, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Guernesey, Hongrie, Islande, Irlande, île de Man, Italie, Japon, Jersey, Corée, Malte, île Maurice, Mexique, Hollande, Nouvelle Zélande, Norvège, Pologne Portugal, Russie, les Seychelles, la Slovaquie, Afrique du sud, l'Espagne, la Suède, la Turquie, les Emirats arabes unis, Royaume uni, Etats-Unis, les îles Vierge.

2) Une liste grise des Etats ou territoires qui se sont engagés à respecter les standards internationaux mais avaient alors signés moins de douze accords. Une liste elle-même subdivisée en gris foncé et gris clair.

La liste gris foncé désigne les paradis fiscaux déjà identifiés en 2000 par l'OCDE : Andorre, Anguilla Antigua, Barabade, Aruba, Bahamas, Bahrein, Belize, les Bermudes, les îles vierges anglaises, les îles Cayman, les îles Cook, la Dominique, Gibraltar, Grenade, Liberia, le Liechtenstein, les Iles Marshall, Monaco, Montserrat, Nauru, les Antilles néérlandaises, Niue, Panama, St Kitts and Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et Grenadine, Samoa, San Marin, les îles Turks and Caicos, Vanuatu.

La liste gris clair désigne les autres centres financiers : Autriche, Belgique, Brunei, Chili, Guatemala, Luxembourg, Singapour, Suisse

3) Un liste noire des Etats ou territoires ne s’étant pas engagés à respecter les standards internationaux : Costa Rica, Malaisie (Labuan), Philippines, Uruguay.

Quelques jours à peine après la publication de ces listes, les quatre pays figurant sur la liste noire l’ont quittée en s’engageant immédiatement à coopérer plus activement en matière d'échange d'informations fiscales.

Dans les mois suivants, plusieurs pays ont également quitté la liste grise en signant le minimum de 12 conventions conformes aux standards de l'OCDE. C’est le cas, notamment, de la Belgique, sortie du gris en juillet 2009.

On ne peut que mettre en cause la pertinence des critères de l’OCDE lorsque l’on constate que la liste blanche comprenait, dès le départ, des paradis fiscaux notoires comme Jersey, Guernesey ou l’île de Man. De même, le Luxembourg a, comme la Belgique, déjà quitté la liste grise, tandis que l’Autriche, la Suisse et même Monaco espèrent la quitter bientôt. Il suffit en effet de signer douze conventions bilatérales, quelles que soient les pratiques douteuses appliquées par ailleurs.

3. Les conséquences des paradis fiscaux

A l’évasion fiscale

Le rôle des paradis fiscaux dans l'économie mondiale n’a rien de marginal. Ainsi, en 2008, 55% du commerce international et 35% des flux financiers y transiteraient. Ils recevraient un tiers des investissements directs étrangers des multinationales et abriteraient plusieurs milliers de milliards d’actifs détenus par des particuliers. Les estimations récentes vont de 7.300 milliards de dollars (Boston consulting Group, 2007) à 11.500 milliards (Tax Justice Network, 2005)[3]. Selon John Christensen, ce dernier montant est une estimation prudente et il n’a cessé d’augmenter année après année[4].

Les paradis fiscaux permettent donc aux citoyens les plus riches et aux multinationales de soustraire au fisc des montants astronomiques. Cela entraîne une hausse de la charge fiscale pour la population et/ou une baisse des dépenses publiques. «Pour chaque million de livres qui vient dans notre centre financier, relève un député critique de Jersey, c’est un hôpital qui n’est pas construit dans un autre pays[5].» Et l’île abrite plusieurs centaines de milliards de livres sterling. On peut donc dire que les paradis fiscaux des uns créent l’enfer social et fiscal des autres.

NB: l’évasion fiscale est une fraude fiscale impliquant une mobilité géographique.

B La concurrence fiscale

Les paradis fiscaux accroissent le phénomène de concurrence fiscale entre les pays. Selon les doctrines libérales, cette concurrence favorise le progrès économique. En réalité, elle favorise d’abord les redevables qui, grâce à leur mobilité, peuvent jouer sur cette concurrence internationale: pas les populations, mais les plus riches et les multinationales.

La conséquence de cette concurrence est une spirale vers le bas des impôts touchant les sociétés et les capitaux. Une étude de la Confédération internationale des syndicats libres estime ainsi que si les «réductions de l’impôt sur les sociétés, dans les pays de l’OCDE et dans les autres, se poursuivent à l’avenir, les taux d’imposition seront proches de zéro vers le milieu du siècle[6]».

Le gros problème, c’est que l’Union européenne et l’OCDE, qui prétendent combattre les paradis fiscaux, se font les promoteurs de la concurrence fiscale.

C La fédération des grandes criminalités

Selon Attac et le journaliste du Monde diplomatique Christian De Brie, «les paradis fiscaux tendent à fédérer toutes les grandes criminalités. En fait, Etats, mafias et transnationales s'associent et s'intègrent de plus en plus dans un système cohérent, intimement lié à l'expansion du capitalisme mondial[7]

Outre la fraude fiscale, ils permettent et favorisentnotamment :

● la corruption ;

● les services secrets et officines sécuritaires pour les Etats et les multinationales, auxquels ils offrent des lieux d'accueil privilégiés;

● les exportations illégales d'armement ;

●la pratique de la complaisance maritime (les pavillons de complaisance, comme dans le naufrage de l’Erika)qui permet d'immatriculer des navires marchands en échappant aux obligations sociales et fiscales – cela concerne aujourd'hui les deux tiers de la flotte mondiale;

● le blanchiment des capitaux issus de la criminalité internationale organisée (trafic de drogue, prostitution de femmes et d'enfants, vols, racket…).

D La crise, les hedge funds

Les paradis fiscaux ont joué également un rôle dans l’actuelle crise financière. Les banques sont, en effet, les sociétés qui y détiennent le plus de filiales. Quant aux hedge funds – fonds d’investissement valorisant leur portefeuille en utilisant des techniques proches de la piraterie financière ­– deux tiers seraient domiciliés dans des paradis fiscaux. Notons que si certaines banques en difficulté ont été victimes des pratiques des hedge funds, les institutions bancaires créent elles-mêmes de tels fonds d’investissement.

4. Le paradis fiscal belge

On l’a vu, certains analystes – dont ceux du Tax Justice Network – classe la Belgique parmi les paradis fiscaux. Et en avril 2009, notre pays s’est d’ailleurs retrouvé sur la liste grise de l’OCDE. Elle l’a quittée en juillet, mais sans qu’il soit mis fin aux particularités «paradisiaques» de notre législation, que nous présentons ci-dessous.

Il est clair que si le paradis fiscal belge profite aux grandes sociétés et fortunés étrangers, il bénéficie aussi aux multinationales et grosses fortunes indigènes.

A Les centres de coordination

● La nature du problème. L'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982, qui a force de loi en raison des pouvoirs spéciaux conférés au gouvernement Martens-Gol, offre une exonération fiscale presque totale aux centres de coordination. Il s’agit d’une filiale d’un groupe international dont la fonction principale est d’être le banquier interne du groupe: accorder des prêts aux autres filiales. Depuis l'entrée en vigueur de cet arrêté, 449 centres de coordination ont été agréés, mais ils sont un peu plus de 200 à être actifs en même temps.

En 2002, par exemple, on recensait 207 centres de coordination, payant 73 millions d'euros d’impôts pour un bénéfice de 5,36 milliards d'euros, soit un taux d'imposition moyen de... 1,36%. Quel est le manque à gagner pour l'Etat? Si les 207 centres de coordination avaient été taxés au taux normal de l'impôt des sociétés, qui était en 2002 de 40,17%, ils auraient payé au fisc 2,15 milliards d'euros. Cela fait une perte budgétaire de 2,08 milliards d'euros.

L'Union européenne a obligé la Belgique, dès 2001, à supprimer ces centres de coordination, dont le régime était jugé discriminatoire.

● Ce qui a été fait. Le ministre des Finances, Didier Reynders, a soutenu activement le Forum 187, fédération des multinationales concernées, dans son lobbying envers les institutions européennes. Il est vrai qu’avant d’être ministre des Finances, il a lui-même été administrateur du centre de coordination du groupe Carmeuse.

Finalement, le régime des centres de coordination a été maintenu jusque fin 2010 (ou les années précédentes, selon la date à laquelle le centre a obtenu son agrément). Mais le gouvernement a mis en place les intérêts notionnels – déduction à l’impôt des sociétés octroyée en proportion des fonds propres – afin de maintenir aux centres de coordination leur avantage (articles 205bis à 205novies du code des impôts sur les revenus).

Seulement, pour que celui-ci ne soit plus jugé discriminatoire, il est étendu à l’ensemble des sociétés. D’où un gros dérapage budgétaire, d’autant plus lourd en période de crise, lorsque les bénéfices baissent tandis que les fonds propres – base de calcul de la déduction – restent stables.En fin de compte, le remède est donc encore pire que le mal initial.

B L’absence d’impôt sur la fortune

● La nature du problème. Selon les confidences d’un Belge germanophone exerçant en Allemagne le métier de conseiller fiscal, la Belgique y est clairement considérée comme un paradis fiscal. Mais c’est surtout des Pays-Bas et de France qu’arrivent des «exilés fiscaux» fuyant l’impôt sur la fortune. En effet, en Belgique, une telle taxation du patrimoine n’existe pas.

Chez nos voisins du Nord, l'impôt sur la fortune qui existait depuis la fin du 19e siècle a été formellement supprimé en 2001. Mais pour être remplacé par un impôt de 30% sur le rendement du capital. Et ce rendement est évalué forfaitairement à 4% de la fortune. Cela reste donc, dans les faits, un impôt de 1,2% sur la fortune (30% x 4%).

Les flux les plus actifs, pour le moment, viennent de France, où l'impôt sur la fortune comporte six tranches, de 0,55 à 1,80%. Selon un rapport du Sénat français, la Belgique attirait, en 2002, 14 % des exilés fiscaux français, devant la Suisse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

● Ce qui a été fait. Malgré plusieurs campagnes des syndicats et du monde associatifs en faveur de l’introduction d’un impôt sur la fortune, malgré également une étude du ministère des Finances concluant à la faisabilité d’un tel impôt, le gouvernement s’est toujours refusé à l’introduire.

C L’immunisation des plus-values sur actions

● La nature du problème. Une loi de 1991 (article 192 du code des impôt sur les revenus) a exonéré les plus-values sur actions et parts. Pour l’ensemble de la Belgique, ces plus-values immunisées ont atteint un montant total de 30,9 milliards d’euros en 1999. Si l’on déduit les moins-values devenues non déductibles fiscalement (4,7 milliards), cela fait un montant de 26,2 milliards échappant à toute taxation. En 2007, c’est même un montant de 43 milliards qui a été immunisé.

Pour les sociétés ou particuliers qui sont taxées sur ces plus-values dans leur pays d’origine, le paradis fiscal belge est donc attrayant.

● Ce qui a été fait. Malgré une proposition de loi déposée en 2002, l’abrogation de cette disposition n’est manifestement pas à l’agenda du gouvernement. Pourtant, si en période d’euphorie boursière, elle est source d’immunisations socialement injustifiées, en période de crise, elle a la conséquence aberrante d’augmenter la base fiscale des sociétés qui actent des moins-values sur actions. En effet, l’immunisation des plus-values a comme corollaire la taxation des moins-values.

D Le secret bancaire

● La nature du problème. Le secret bancaire est inscrit en toutes lettres à l’article 318 du code des impôts sur les revenus. Il est vrai que ce code prévoit une procédure permettant de lever ce secret. Mais elle est tellement exceptionnelle qu’en 2007, sur sept millions de déclarations de contributions (personnes physique et sociétés), il n’y a eu que dix levées du secret bancaire. Les deux années précédentes, il n’y en avait même eu aucune.

● Ce qui a été fait. Loin de remettre en cause le secret bancaire, le ministre des Finances nie son existence. Il joue sur les mots, le secret bancaire n’étant pas d’application dans certaines matières (affaires criminelles, recouvrement). Il n’en reste pas moins qu’il est diablement efficace en matière de taxation.

E L’échange international d’informations fiscales

● La nature du problème. En vertu de la directive européenne du 3 juin 2003 sur la taxation des revenus de l'épargne, les Etats membres de l'Union échangent automatiquement les informations relatives à l’épargne que le résident d’un Etat membre détient dans un autre Etat membre. Mais trois pays ont refusé d’appliquer cette directive: l’Autriche, le Luxembourg et la Belgique. En contrepartie, ces pays effectuent une retenue à la source qui est reversée aux pays dont sont issus les épargnants.

Parallèlement à cette disposition européenne, en avril 2009, l’OCDE a placé la Belgique sur la liste grise des pays qui se sont engagés à respecter les standards internationaux mais avaient alors signés moins de douze accords bilatéraux d’échanges d’informations fiscales.

● Ce qui a été fait. Les autorités belges se sont dépêchées de signer douze conventions bilatérales pour sortir de la liste de grise de l’OCDE. Ce qui a été fait en juillet. La portée est particulièrement limitée puisqu’il ne s’agit que de douze pays et que, de plus, il ne s’agit pas d’un échange automatique d’informations, mais seulement sur demande.

Quant à la directive européenne, le ministre des Finances a déclaré qu’il évaluerait la position de la Belgique pour le 1er juillet 2011, voire avant. À cette date, le taux de la retenue à la source fixé par la directive doit passer à 35 %, ce qui est un prélèvement important. Il pourrait donc être envisagé d’appliquer les échanges d’informations comme l’ensemble des autres états membres.

Notons que si ces échanges d’informations sont automatiques (contrairement aux exigences de l’OCDE), ils sont particulièrement limités, puisque ne sont concernésque :

- les intérêts (et non les autres revenus mobiliers, comme les dividendes ou les plus-values);

- perçus par des personnes physiques (et non par les sociétés);

- uniquement dans les état membres de l’Union européenne.

Pour les personnes les plus aisées, il est intéressant – par exemple – de fonder une société qui deviendra le titulaire et bénéficiaire des placements. «Les nombreuses et évidentes possibilités de contournement rendent la directive inefficace dans une large mesure», conclut un chercheur de Tax Justice Network[8].

D’ailleurs, en réponse à une question parlementaire, le ministre déclare: «Je tiens à informer l'honorable membre qu'il n'est pas question ici de la suppression pure et simple du secret bancaire [tiens, on pensait qu’il n’existait pas, ndlr], mais uniquement d'un échange automatique d'informations relatif à certains paiements d'intérêts transfrontaliers (ou d'autres revenus de l'épargne)[9]

Quant à une éventuelle extension du champ d'application de la directive européenne, le ministre indique clairement qu’il n'envisage pas «pour le moment d'élargir le champ d'application de la directive sur la fiscalité de l'épargne à des revenus tels que les dividendes ou les plus-values[10]

F Le ruling infocap et l’article 185 § 2 CIR

● La nature du problème. Le ruling infocap (accord préalable concernant le capital informel) fait partie, comme les centres de coordination, des «pratiques fiscales dommageables» que l’Union européennes et l’OCDE reprochaient à la Belgique.

De quoi s’agit-il? Prenons l’exemple de la filiale anversoise du groupe chimique allemand Degussa. En épluchant ses comptes annuels 2006, nous découvrons, à côté d’une déduction de 3,7 millions d’intérêts notionnels, une autre de 20 millions sous l’appellation « ruling info-cap ». Alors que le bénéfice avant impôts est de... 15 millions.

Cette déduction est accordée après accord préalable (ruling) du SPF Finances. Sa justification est la suivante: Degussa a réalisé à Anvers un investissement important qui bénéficie du know-how de la maison-mère allemande. Si la filiale avait dû lancer ces installations sans disposer de ce know-how, elle aurait dû l’acheter ou faire des recherches. Ce coût est évalué à 200 millions d’euros, que la société peut amortir à raison de 20 millions d’euros par an pendant dix ans. Bref, la filiale amortit une charge imaginaire.

● Ce qui a été fait. Interpellé à la Chambre le 13 juillet 2004, le ministre des Finances avait indiqué que le ruling infocap n’était plus d’application depuis 2003. Du moins, de nouveaux accords ne seraient plus accordés avant cette date. Mais les sociétés auxquelles le ruling infocap a été octroyé en 2003, par exemple, pourront amortir l’avantage pendant dix ans, jusqu’en 2012 donc.

De plus, si le ruling infocap en tant que tel a été abandonné en 2003, il s’est réincarné dans l’article 185 §2 du code des impôts sur les revenus, applicable à partir de 2004. Cet article est relatif aux prix de transfert. Il prévoit que si des transactions entre une multinationale et sa filiale belge s’opèrent à un prix anormal, le bénéfice imposable de la filiale peut être adapté à la hausse ou à la baisse.

Seulement, cet article n’est applicable que dans le cadre d’un accord anticipé (ruling). Une société ne lancera jamais cette procédure que si c’est pour réduire ses impôts, non pour les augmenter. De plus, la loi n’était pas très claire sur un point crucial : la réduction d’impôts en Belgique implique-t-elle, oui ou non, qu’une augmentation d’impôts correspondante soit actée dans la maison mère à l’étranger. La commission des accords anticipés a finalement répondu par la négative. Les sociétés belges peuvent donc déduire des montants qui ne sont pas taxées à l’étranger.

5. La politique de la Belgique à l’égard des (autres) paradis fiscaux

A Les articles de la loi fiscale relatifs aux paradis fiscaux

Quatre articles du code des impôts sur les revenus (CIR 92) visent des abus qui pourraient être commis par des contribuables par l’intermédiaire de paradis fiscaux. Le terme «paradis fiscal» n’est pas mentionné comme tel: ces quatre articles mentionnent des pays «dont les dispositions du droit commun en matière d'impôts sont notablement plus avantageuses qu'en Belgique».

● L’article 26, §2, 2° du CIR 92 rend taxables les avantages anormaux et bénévoles qu’une entreprise belge (personne physique ou société) accorde à un non-résident ou à un établissement étranger établis dans un tel paradis fiscal.

● Les articles 54 et 198, 11° du CIR 92 rendent non déductibles les intérêts, royalties et rémunérations de prestations attribués à un non-résident ou un établissement étranger établi dans un tel paradis fiscal.

● L’article 203, § 1er du CIR 92 restreint la déduction des «revenus définitivement taxés» (RDT). Le principe général des RDT est le suivant: les dividendes qu’une société touche de ses filiales sont exonérés car les filiales ont (normalement) déjà payé un impôt sur le bénéfice qu’elle distribue.

Toutefois, l’article 203 § 1er exclut cette exonération pour les filiales qui seraient installées «dans un pays dont les dispositions du droit commun en matière d'impôts sont notablement plus avantageuses qu'en Belgique».

Ici, le code précise qu’un pays correspond à cette définition si l'impôt sur les bénéfices des sociétés y est inférieur à 15%. Et, comme indiqué plus haut, un arrêté royal de 2003 établit une liste de 53 pays visés spécifiquement par l’article 203 § 1er.

B Des conventions pour détourner la loi anti-paradis fiscaux

L’article 203 § 1er CIR 92 est donc l’une des rares dispositions fiscales belges contre les paradis fiscaux et elle est aussi la plus détaillée. Cependant, le ministre des Finances, Didier Reynders, a mis en place une manœuvre pour court-circuiter cette disposition légale.

Comment? à travers le « modèle standard » de convention fiscale, qui sert de modèle aux négociateurs belges lors des discussions avec un autre pays pour la conclusion d’une telle convention. Ce modèle déroge explicitement à l’article 203, § 1er. Les conventions qui seraient signées sur cette base permettent donc de déduire des RDT sur les dividendes payés par des sociétés implantées dans des paradis fiscaux.

Nous avons contacté le cabinet Reynders, où le spécialiste des conventions nous a confirmé et justifié la manœuvre. Selon lui, face aux dures réalités de l’économie internationale, la loi belge est une « aberration », mais comme il est difficile de modifier la loi, il est plus aisé de la court-circuiter via les conventions.

C La résolution du Parlement belge

Le 1er février 2007, le Parlement belge a adopté une résolution incitant le gouvernement à lutter contre les paradis fiscaux. Parmi les mesures proposées, on trouveles suivantes.

● Instaurer des règles CFC et FIF en ce qui concerne les transactions des entreprises établies dans des paradis fiscaux. Ces règles, appliquées par certains pays (Etats-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie…) visent les sociétés qui contrôlent des sociétés situées dans les paradis fiscaux. La société résidente est taxée sur le bénéfice réalisé par les sociétés off-shore qu’elle contrôle, même si ces dernières ne lui distribuent pas de dividendes.

●Adapter la définition ainsi que la liste des régimes fiscaux sensiblement plus favorables que le belge, de manière à ce que cette dernière reprenne les pays et les régimes fiscaux préférentiels qui présentent le plus haut risque en matière d’évasion et de fraude fiscales.

●Dégager des fonds afin de permettre la réalisation d’une enquête sur le recours aux paradis fiscaux dans un but d’évasion et de fraude fiscales au départ du territoire belge.

●Créer une unité spécialisée au sein de l’administration chargée de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales par le biais des paradis fiscaux.

●Ne plus conclure de convention préventive de la double imposition avec des pays.

Selon le député Dirk Van der Maelen, cette résolution n’a pas été suivie d’effet[11].

B Les filiales off-shore des banques belges

Toutes les multinationales possèdent des filiales off-shore. Cela vaut en particulier pour les banques. Selon Sven Giegold, chercheur du Tax Justice Network entendu par la commission mondialisation du Parlement belge, les grandes banques et autres prestataires de services financiers figurent parmi les principaux bénéficiaires de l’évasion fiscale[12].

Que font les autorités belges à l’égard des principales banques du pays? Rien. Il a fallu que ce soit un périodique français, Le Monde diplomatique[13], qui épingle le cas de Fortis fin 2008. Se basant sur un document du Centre for Research on Multinational Corporation[14], il indique que Fortis détiendrait pas moins de 300 établissements établis dans les meilleures places off-shore de la planète : îles Vierges britanniques, îles Caïmans, Luxembourg, Antilles néerlandaises, Suisse, Liberia, Bahamas, Lichtenstein, Panama… à vrai dire, il suffisait de parcourir, dans le rapport annuel de Fortis, la longue liste de ses filiales (plus d’un millier) pour découvrir la proportion importante installée dans des pays douteux.

La reprise de Fortis Banque par BNP Paribas ne va pas arranger les choses puisque, selon un récent rapport de l’Assemblée nationale, la banque arrive en tête des entreprises françaises classées d’après le nombre de filiales installées dans des paradis fiscaux[15].

La pratique des autres grandes banques belges n’est pas différente. Dexia possède une bonne centaine de filiales off-shore, KBC en détient 80[16].

L’utilisation des paradis fiscaux par les banques n’est pas neuve. A la charnière des années 1980 et 1990, elles ont mis en place ce qui deviendra l’une des plus grosses affaires de fraude fiscalequ’ait connu la Belgique : les montages basés sur la QFIE (quotité forfaitaire d’impôt étranger). Des banques comme l’AnHyp ont revendiqué cette déduction fiscale sur base de prétendus intérêts d’obligations émis par des filiales de sociétés latino-américaines installées à Gibraltar. Ces sociétés étaient des coquilles vides et leurs établissements gibraltariens purement fictifs. L’ancien Premier ministre de Gibraltar, l’avocat Joshua Hassan, aurait lui-même collaboré à cette fraude en faisant voter des lois sur mesure.

6. Conclusions

Comme le note Sven Giegold (Tax Justice Network), «dans l’ensemble, on peut résumer que les mesures de l’OCDE et de l’Union européenne visent plutôt une "normalisation" des activités off-shore et de la concurrence fiscale que leur suppression[17]

Et au sein de ces organisations internationales, dont la lutte contre les paradis fiscaux est plus symbolique que pratique, la Belgique figure parmi les plus mauvais élèves.

D’une part, elle passe elle-même, à certains égards, pour un paradis fiscal, défendant bec et ongles son secret bancaire. D’autre part, elle tente de neutraliser, via des conventions internationales, les rares dispositions légales restreignant les déductions fiscales qui font intervenir des filiales installées dans un paradis fiscal.

Pour lutter réellement contre les paradis fiscaux, les demi-mesures ne suffisent pas. Au contraire, elles peuvent être contre-productivesdès lors qu’elles viendraient à légitimer les paradis fiscaux se soumettant à quelques exigences purement formelles.

Et surtout, on ne peut combattre les paradis fiscaux qu’en refusant la logique de concurrence entre les états, qui est la justification classique des paradis fiscaux. Il y a donc lieu de considérer que toute évasion frauduleuse de recettes fiscales est dommageable, même si elle concerne un autre pays.

Enfin, la lutte contre les paradis fiscaux doit logiquement s’intégrer dans un ensemble de mesures visant à faire contribuer plus les acteurs économiques les plus forts (particuliers aisés, multinationales…) qui profitent à la fois de règles internes qui leur sont favorables et des possibilités d’évasion fiscale. Il faudrait donc, pour ne prendre que cet exemple, mettre fin au secret bancaire tout en instaurant un impôt sur les grosses fortunes, deux mesures qui se renforcent l’une l’autre.

Marco Van Hees, septembre 2009

Annexes: articles du code des impôts sur les revenus

A Article 26 du code des impôts sur les revenus

Sans préjudice de l'application de l'article 49 et sous réserve des dispositions de l'article 54, lorsqu'une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.

Nonobstant la restriction prévue à l'alinéa 1er, sont ajoutés aux bénéfices propres les avantages anormaux ou bénévoles qu'elle accorde à:

1° un contribuable visé à l'article 227 [c’est-à-dire un non-résident] à l'égard duquel l'entreprise établie en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance;

2° un contribuable visé à l'article 227 [c’est-à-dire un non-résident] ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n'y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis à un régime fiscal notablement plus avantageux que celui auquel est soumise l'entreprise établie en Belgique;

3° un contribuable visé à l'article 227 [c’est-à-dire un non-résident] qui a des intérêts communs avec le contribuable ou l'établissement visés au 1° ou au 2°.

B Article 54 du code des impôts sur les revenus

Les intérêts, indemnités visées à l'article 90, 11°, qui sont payées en compensation de ces intérêts, redevances pour la concession de l'usage de brevets d'invention, procédés de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de prestations ou de services, ne sont pas considérés comme des frais professionnels lorsqu'ils sont payés ou attribués directement ou indirectement à un contribuable visé à l'article 227 [c’est-à-dire un non-résident] ou à un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n'y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis, pour les revenus de l'espèce, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces revenus sont soumis en Belgique, à moins que le contribuable ne justifie par toutes voies de droit qu'ils répondent à des opérations réelles et sincères et qu'ils ne dépassent pas les limites normales.

C Article 185 du code des impôts sur les revenus

Les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices, y compris les dividendes distribués.

§ 1. Les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices, y compris les dividendes distribués.

§ 2. Sans préjudice de l'alinéa 2, pour deux sociétés faisant partie d'un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leurs relations transfrontalières réciproques :

a) lorsque les deux sociétés sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l'une des sociétés, mais n'ont pu l'être à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette société;

b) lorsque, dans les bénéfices d'une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d'une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première société sont ajustés d'une manière appropriée.

L'alinéa 1er s'applique par décision anticipée sans préjudice de l'application de la Convention relative à l'élimination des doubles impositions en cas de corrections des bénéfices des entreprises associées (90/436) du 23 juillet 1990 et des conventions internationales préventives de la double imposition.]

D Article 198, 11° du code des impôts sur les revenus

Ne sont pas considérés comme des frais professionnels : […]

11° sans préjudice de l'application des articles 54 et 55, les intérêts d'emprunts payés ou attribués lorsque le bénéficiaire effectif de ceux-ci n'est pas soumis à un impôt sur les revenus ou y est soumis, pour ces revenus, à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui résultant des dispositions du droit commun applicables en Belgique et, dans la mesure de ce dépassement, si le montant total desdits emprunts, autres que des obligations ou autres titres analogues émis par appel public à l'épargne, excède sept fois la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période.

E Article 203 § 1er du code des impôts sur les revenus

§ 1er. Les revenus visés à l'article 202, § 1er, 1° et 2°, ne sont en outre pas déductibles lorsqu'ils sont alloués ou attribués par :

1° une société qui n'est pas assujettie à l'impôt des sociétés ou à un impôt étranger analogue à cet impôt ou qui est établie dans un pays dont les dispositions du droit commun en matière d'impôts sont notablement plus avantageuses qu'en Belgique;

2° une société de financement, une société de trésorerie ou une société d'investissement qui, bien qu'assujettie, dans le pays de son domicile fiscal, à un impôt visé au 1°, bénéficie dans celui-ci d'un régime fiscal exorbitant du droit commun;

3° une société dans la mesure où les revenus qu'elle recueille, autres que des dividendes, trouvent leur source en dehors du pays de son domicile fiscal et bénéficient dans le pays du domicile fiscal d'un régime d'imposition distinct exorbitant du droit commun;

4° une société dans la mesure où elle réalise des bénéfices par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs établissements étrangers qui sont assujettis d'une manière globale à un régime de taxation notablement plus avantageux qu'en Belgique;

5° une société, autre qu'une société d'investissement, qui redistribue des dividendes qui, en application du 1° à 4°, ne pourraient pas eux-mêmes être déduits à concurrence d'au moins 90 p.c.

Les dispositions de droit commun en matière d'impôts visées à l'alinéa 1er, 1°, sont présumées être notablement plus avantageuses qu'en Belgique lorsque dans les cas déterminés par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres :

- soit le taux nominal de droit commun de l'impôt sur les bénéfices de la société est inférieur à 15 p.c.;

- soit, en droit commun, le taux correspondant à la charge fiscale effective est inférieur à 15 p.c.

Pour l'application de l'alinéa 1er, 1°, les dispositions du droit commun en matière d'impôts qui sont applicables aux sociétés établies dans un Etat membre de l'Union européenne sont censées ne pas être notablement plus avantageuses qu'en Belgique.



Notes

[1] Michel Van den Abeele, dans Le rôle des paradis fiscaux dans une économie globalisée, Rapport de la Chambre des Représentant et du Sénat de Belgique, 8 juin 2006, p. 60.

[2] Taxez-nous si vous pouvez, briefing paper du Réseau pour la Justice Fiscale, septembre 2005

[3] Assemblée nationale (France), Rapport d’information sur les paradis fiscaux, document n° 1902, 10 septembre 2009.

[4] L’Echo, 21-9-2009.

[5] L’Echo, 21-9-2009.

[6] CISL, Le beurre et l’argent du beurre. Comment les multinationales échappent à la redistribution fiscale, 2006, http://www.icftu.org/www/pdf/taxbreak/tax_break_FR.pdf.

[7] http://www.france.attac.org/spip.php?article510

[8] Chambre des Représentants et Sénat de Belgique, Le rôle des paradis fiscaux dans une économie globalisée, 8 juin 2006, p. 83.

[9] Réponse à la question parlementaire n° 4-942 du 9 mai 2008.

[10] Réponse à la question parlementaire n° 4-942 du 9 mai 2008.

[11] Chambre des représentants, Commission des Finances et du Budget, 5-11-2008.

[12] Chambre des Représentants et Sénat de Belgique, Le rôle des paradis fiscaux dans une économie globalisée, 8 juin 2006, p. 70.

[13] Olivier Cyran, «Un inextricable maquis de filiales», Le Monde diplomatique, décembre 2008.

[14] http://somo.nl.

[15] Assemblée nationale (France), Rapport d’information sur les paradis fiscaux, document n° 1902, 10 septembre 2009.

[16] L’Echo, 21-9-2009.

[17] Chambre des Représentants et Sénat de Belgique, Le rôle des paradis fiscaux dans une économie globalisée, 8 juin 2006, p. 86.

30.11.2009. 00:34

 

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