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Le centre de coordination du groupe sidérurgique a probablement
décroché la plus grosse déduction d
Le
centre de coordination du groupe sidérurgique a probablement décroché la plus
grosse déduction d’intérêts notionnels jamais attribuée. Résultat : un
taux d’imposition de 0,00038 %.
Beaucoup
de citoyens belges seraient aux anges s’ils payaient moins de 500 euros
d’impôts par an. La société anonyme ArcelorMittal Finance and Service
Belgium (AMFSB), filiale du premier groupe sidérurgique mondial, est dans ce
cas : en 2009, elle n’a supporté une charge fiscale que de 496 euros.
Seulement,
elle a réalisé cette année-là un bénéfice d’un peu moins de 1,3 milliard
d’euros. Ce qui fait un taux d’imposition de… 0,000038%. Soit près
d'un million de fois moins que le taux officiel de l’impôt des sociétés,
qui est de 33,99%. Un peu comme si votre taxe de circulation de 281 euros
ne vous coutait finalement que 0,03 cent.
Comment
expliquer ce taux microscopique? Par les intérêts notionnels, cette déduction
applicable à l’impôt des sociétés depuis 2006. Mais en réalité, les
cadeaux fiscaux offerts à cette société remontent à 1986, année de sa
constitution.
Flash-back.
En 1982, le gouvernement Martens-Gol adopte l’arrêté de pouvoirs spéciaux
(qui a force de loi sans être voté au Parlement) numéro 187. Il accorde un régime
fiscal totalement aberrant aux centres de coordination. Dont va profiter AMFSB
qui, à l’époque, se nomme Cecofer International et appartient au groupe
Cockerill Sambre.
C’est
quoi un centre de coordination? Une sorte de banque interne d’un groupe
multinational, accordant des prêts – pour plus de 40 milliards, dans cas-ci
– aux autres filiales du groupe, partout dans le monde. Les intérêts
remboursés par ces filiales alimentent le bénéfice, pratiquement non taxé,
du centre de coordination.
En
2004, par exemple, grâce à l’arrêté n° 187, AMFSB n’a supporté qu’un
taux d’imposition de 0,18 %. Mais en 2007, la société est passée du régime
fiscal des centres de coordination (condamné par l’Union européenne) à son
substitut, les intérêts notionnels. Qui, avec un taux d’imposition de 0,000038%,
s’avèrent encore plus avantageux pour elle.
La
déduction 2009 d’AMFSB, qui atteint 1.288.806.525 euros, semble être le plus
gros montant d’intérêts notionnels jamais déclaré par une société depuis
la création de ce mécanisme. Cela représente un cadeau fiscal de 438 millions
d’euros pour le groupe sidérurgique (1.288.806.525 x 33,99 %, le taux normal
de l’impôt).
Pour
donner un ordre de grandeur, c’est pratiquement le montant de 500 millions évoqué
pour le refinancement de Bruxelles dans les discussions pré-gouvernementales.
À
l’heure où de lourdes mesures d’austérité pèsent sur la tête de la
population, il est urgent de supprimer les intérêts notionnels, ce cadeau
fiscal de plusieurs milliards qui profite, en premier lieu, aux banques et aux
centres de coordination des multinationales.
D’autant
que les dommages ne touchent pas que la population belge. À l’instar du
secret bancaire, les intérêts notionnels font de
la Belgique
un véritable paradis fiscal qui profite au capital de tous les pays, au détriment
des travailleurs de tous les pays. Alors que les syndicats demandent une
harmonisation européenne des taux de l’impôt des sociétés, la législation
belge stimule, à l’inverse, la concurrence fiscale entre Etats membres.
Marco Van Hees (septembre 2010)
Au nom de
l’emploi… perdu?
La
secte des adorateurs des intérêts notionnels prétend que la mesure favorise
l’emploi, mais n’a jamais fait le début d’une démonstration d’un effet
positif en la matière. Pour bénéficier de la déduction, aucune condition
d’emploi, ni même d’investissement, n’est d’ailleurs exigée.
Prenons
ArcelorMittal. Son centre de coordination, qui a donc déduit 1288806525
euros en 2009, compte 33,6 équivalents temps plein. Soit une déduction fiscale
annuelle de 38 millions d’euros par travailleur...
Au
niveau belge, le rapport 2009 d’ArcelorMittal Belgium mentionne, parmi les
mesures prises, une «réduction du coût du personnel (chômage économique,
limitation des heures supplémentaires, annulation des contrats externe et fin
des contrats intérimaires).» Selon le bilan social, la société a
supprimé 854 emplois en 2009, soit 11% des effectifs. En heures annuelles
prestées, la diminution est même de 18%.
Sur
la même période, 22597 jobs (- 13%) sont passés à la trappe au
niveau européen et 34164 (- 11%) au niveau mondial. Vous aurez
compris que les intérêts notionnels engendrent des créations d’emplois
essentiellement notionnelles. Le terme «notionnel» désignant une
chose qui n’existe que dans l’esprit de celui qui la conçoit.
Elio
l’a votée, Bart l’a aimée
Le
2 juin 2005, le projet de loi du ministre Reynders (MR) qui crée les intérêts
notionnels est adopté à la Chambre. Le seul député NVA de l’assemblée,
Patrick De Groote, s’abstient, à l’instar de ses alliés du CD&V, alors
dans l’opposition. Par contre, les élus du PS, parti de la majorité présidé
par Elio Di Rupo, poussent tous sur le bouton «oui».
Par
la suite, surtout quand les échéances électorales pointent à l’horizon,
ces mêmes élus socialistes décocheront quelques flèches contre la mesure
qu’ils ont votée. Mais sans la remettre en cause fondamentalement.
Ainsi,
lorsqu’on demande à Alain Mathot s’il regrette ce vote, il répond:
«Non, pas du tout. Ni remord, ni regret[1].»
Et d’expliquer qu’au départ, la mesure visait à améliorer l’emploi et
l’investissement, mais qu’elle aurait été dévoyée par le ministre des
Finances. Or, la seule analyse du texte de loi permet de présumer que Mathot présente
soit des difficultés de lecture, soit des problèmes de mémoire, soit une
certaine mauvaise foi.
Comment,
d’ailleurs, le PS pourrait-il s’y opposer fondamentalement puisqu’au
gouvernement wallon, où il mène la danse, sa mesure phare, le Plan Marshall,
suit la même logique que les intérêts notionnels: pour créer de
l’emploi, il faut offrir l’argent du contribuable aux entreprises.
Côté
N-VA, les quelques critiques formelles du début à l’égard intérêts
notionnels vont s’aplanir et le programme du parti pour les élections de juin
2010 défend clairement la mesure: «Afin, y lit-on, d’assurer un
traitement fiscal équivalent entre le financement bancaire (dettes) et le
capital à risque (fonds propres), il est utile de maintenir l’instrument des
intérêts notionnels.» En fait, il s’agit de la justification
officielle (l’alibi) de la mesure, telle que formulée par son père
francophone, Didier Reynders.
En
fait, le programme de
la N-VA
en matière d’impôt des sociétés est triple. Primo, il faut les régionaliser,
ce qui ne peut qu’accroître la concurrence fiscale. Secundo, il faut
maintenir les intérêts notionnels au nord du pays. Tertio, la «première
des priorités» est de réduire le taux nominal de l’impôt
(actuellement 33,99%). Alors qu’avec les intérêts notionnels et autres
déductions, le taux réel n’est déjà que de 16%. Et de 10% pour
les banques!
29.12.2010. 06:43 |