Accueil · Fiscalité · Impôt des sociétés · EXCLUSIF Comment Reynders contourne la loi fiscale EXCLUSIF Comment Reynders contourne la loi fiscaleDétaxer des « revenus définitivement taxés » qui n’ont
jamais été taxés ? Le code des impôts ne le permet pas. Mais le ministre des
Finances a imaginé une manœuvre pour le contourner.
Imaginons une multinationale belge, Didjé Belgium S.A.,
produisant des balles de golf. Ces balles ne sont pas fabriquées en Belgique,
mais par Jean Golf S.A., une filiale de Didjé Belgium installée au
Reynderstan. Jean Golf a réalisé un bénéfice de 120 millions d’euros dont
elle reverse 100 millions à Didjé Belgium sous forme de dividendes. Ce qui
vient grossir le bénéfice de cette dernière. Comment ces 100 millions
seront-ils taxés en Belgique ?
Selon le code des impôts , 95 % de ces dividendes ne sont
pas taxables en vertu du régime des RDT, les « revenus définitivement taxés
». Le principe est le suivant : puisque Jean Golf a payé au Reynderstan un
impôt sur son bénéfice, sa maison-mère Didjé Belgium ne doit pas être
imposée une seconde fois sur les dividendes issus de ce bénéfice.
Mais que se passe-t-il si le Reynderstan ne taxe pas – ou
très peu – les sociétés ? Notre code fiscal prévoit que si l’impôt du
pays étranger est inférieur à 15 %, le régime des RDT ne s’applique pas.
Didjé Belgium serait donc taxée intégralement sur les 100 millions d’euros.
C’est ici qu’intervient la manœuvre du ministre des
Finances. Son cabinet a rédigé un « modèle standard » pour les conventions
fiscales bilatérales que la Belgique doit conclure avec d’autres pays. Ce
modèle, lit-on dans le préambule, « constitue le texte que les négociateurs
belges envoient à leurs partenaires au début des négociations. Il reflète la
politique conventionnelle belge... »
Et qu’y lit-on ? Le modèle indique explicitement qu’une
partie de loi belge n’est pas d’application. Laquelle ? La fameuse condition
que le pays étranger soumette le bénéfice des sociétés à un impôt d’au
moins 15 %. Habile puisque dans la hiérarchie des textes juridiques, une
convention internationale prévaut sur la loi belge .
Cabinet Reynders : « La loi est une aberration »
Soudain, un doute nous saisit. Une telle manœuvre est-elle
imaginable ? Avons-nous bien interprété cette… convention modèle ? Nous
contactons donc le cabinet Reynders. Et il nous confirme bien la chose. Avec la
justification classique : il faut s’adapter aux dures réalités de l’économie
internationale.
Lorsque nous demandons comment il est possible de rédiger un
modèle de convention qui contredit la loi, le responsable du cabinet nous
répond que cette disposition de la loi est une « aberration ». Seulement,
ajoute-t-il, il est très difficile de modifier la loi. D’où, aurez-vous
compris, l’idée de la court-circuiter via les conventions.
Retenez bien : l’aberration, c’est refuser de considérer
comme « revenus définitivement taxés » des bénéfices qui n’ont jamais
été soumis au moindre impôt. On peut comprendre que ce soit la conviction
intime de quelques libéraux adeptes des « revenus définitivement non taxés
». Mais en Belgique, jusqu’à nouvel ordre, c’est le législateur qui
définit la loi.
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 29 septembre 208
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